Points clés
1. La création non disruptive : croître sans déplacement
La création non disruptive engendre de nouvelles industries sans laisser derrière elle entreprises en faillite, emplois perdus et marchés détruits.
Au-delà de la disruption. Depuis des décennies, la disruption est perçue comme le moteur principal de l’innovation et de la croissance, impliquant souvent que créer du neuf nécessite de détruire l’ancien. Pourtant, une autre forme puissante de création de marché existe : la création non disruptive. Cette approche vise à générer des marchés entièrement nouveaux en dehors des frontières des industries existantes.
Ouvrir de nouveaux espaces. Contrairement à la création disruptive, qui envahit et remplace des marchés existants (comme Netflix face à Blockbuster ou les appareils photo numériques face aux pellicules), la création non disruptive ouvre un espace de marché inédit. Citons par exemple :
- Les lunettes correctrices
- Les serviettes hygiéniques
- La microfinance
- Sesame Street
Complémentaire, non substitutive. La création non disruptive ne remplace pas la disruption, elle la complète de manière essentielle. Elle offre une voie d’innovation et de croissance qui évite les coûts sociaux douloureux souvent liés au déplacement, créant ainsi une situation gagnant-gagnant pour les entreprises et la société.
2. Un impact à somme positive sur l’économie et la société
Avec la création non disruptive, le nouveau se réalise sans perturber un marché préexistant ni les entreprises et emplois qui y sont liés.
Gagnant-perdant vs somme positive. La création disruptive, bien qu’apportant une valeur significative aux consommateurs et stimulant la croissance globale à long terme, instaure une dynamique gagnant-perdant. Le perturbateur gagne, mais les entreprises, industries et emplois existants sont déplacés, engendrant des coûts sociaux douloureux tels que licenciements et communautés fragilisées.
Croissance sans douleur. La création non disruptive, en revanche, adopte une approche à somme positive. Elle offre une valeur convaincante aux acheteurs en résolvant des problèmes jusque-là ignorés ou en saisissant de nouvelles opportunités, mais parce qu’elle opère en dehors des frontières des marchés existants, il n’y a pas de perdants évidents. Cela signifie :
- Aucun déplacement des acteurs établis
- Aucun emploi existant perdu
- Des coûts d’ajustement social minimes voire inexistants
Concilier économie et bien social. Cette forme d’innovation permet à la croissance économique et au bien social d’avancer de concert. La croissance est positive dès le départ, générant de nouveaux emplois et opportunités sans les externalités négatives du déplacement, contribuant ainsi à rapprocher prospérité économique et bien-être sociétal.
3. Des avantages commerciaux distincts face à la disruption
La création non disruptive ouvre une voie vers la croissance et l’innovation de marché bien moins menaçante que la disruption.
Éviter la confrontation. Alors que la création disruptive implique souvent de défier directement des acteurs bien établis et puissants (comme MoviePass face aux cinémas), la création non disruptive permet aux entrants d’éviter cette confrontation. Des entreprises comme Square ou GoPro ont créé des marchés valant des milliards sans attaquer les acteurs existants, évitant ainsi les réactions hostiles et les combats coûteux.
Soutien interne et externe. La création non disruptive est aussi plus facile à mettre en œuvre au sein d’organisations établies. Ne menaçant ni les unités commerciales ni les emplois existants, elle recueille un soutien plus large des parties prenantes internes (employés, managers). À l’extérieur, elle échappe en grande partie aux réactions négatives, aux pressions et aux défis réglementaires souvent rencontrés par les perturbateurs (comme Uber ou Smile Direct Club), car elle ne génère pas de dégâts sociaux.
Réponse viable aux menaces. Pour les acteurs en place confrontés à des menaces disruptives, se tourner vers la création non disruptive peut constituer une réponse puissante lorsque la contre-disruption directe est impossible. Cunard, menacée par le transport aérien, s’est réorientée vers l’industrie des croisières. La Poste, défiée par le courrier électronique, a créé le service d’aide aux personnes âgées Veiller Sur Mes Parents.
4. Une importance croissante dans un monde en mutation
La création non disruptive ne résout pas à elle seule le défi de l’emploi ; d’autres éléments sont nécessaires.
Le capitalisme des parties prenantes l’exige. La demande croissante pour que les entreprises considèrent leur impact au-delà des seuls actionnaires pousse vers un capitalisme plus responsable socialement. La création non disruptive s’aligne parfaitement sur cette exigence, permettant aux entreprises d’atteindre une croissance rentable tout en contribuant positivement à la société, en créant de la valeur sans causer de tort.
Répondre au défi de l’emploi. La quatrième révolution industrielle, portée par l’IA, l’automatisation et les machines intelligentes, promet une productivité sans précédent mais aussi un déplacement massif d’emplois dans tous les secteurs et niveaux de compétence. Si la création disruptive peut générer de nouveaux emplois, elle le fait souvent en éliminant les anciens. La création non disruptive est cruciale car elle génère nettes de nouvelles opportunités d’emploi sans déplacement, aidant à amortir les coûts sociaux et économiques du changement technologique.
Un impératif politique. Les gouvernements souhaitant favoriser la croissance tout en maintenant la stabilité sociale doivent soutenir activement la création non disruptive. Elle offre une voie pour générer l’emploi et l’expansion économique nécessaires sans les conséquences disruptives qui exigent des filets sociaux coûteux et peuvent provoquer des troubles sociaux.
5. Trois voies vers l’innovation créatrice de marché
Ce qui conduit à un type d’innovation créatrice de marché plutôt qu’un autre dépend largement du type de problème ou d’opportunité que l’on cherche à résoudre.
Le problème dicte le résultat. L’innovation créatrice de marché n’est pas un phénomène unique ; elle se manifeste de différentes manières selon l’intention stratégique et la nature du problème ou de l’opportunité abordée. Comprendre ces voies permet d’orienter les efforts d’innovation avec plus de conscience.
Les trois voies distinctes :
- Création disruptive : Proposer une solution révolutionnaire à un problème existant dans une industrie. Cela entraîne un déplacement et un résultat gagnant-perdant (ex. : les smartphones remplaçant les lecteurs MP3).
- Stratégie Océan Bleu : Redéfinir un problème existant dans une industrie et résoudre ce problème redéfini. Cela crée un nouvel espace de marché au-delà des frontières, mêlant croissance disruptive et non disruptive (ex. : Cirque du Soleil redéfinissant le cirque).
- Création non disruptive : Identifier et résoudre un problème totalement nouveau ou saisir une opportunité inédite en dehors des frontières des industries existantes. Cela n’entraîne aucun déplacement et produit un résultat à somme positive (ex. : la microfinance pour les populations non bancarisées).
Croissance intentionnelle. En comprenant quel type de problème ou d’opportunité correspond à quel type de création et de croissance de marché, les organisations peuvent orienter consciemment leurs efforts vers le résultat souhaité, qu’il soit disruptif, mixte ou purement non disruptif.
6. Adopter les bonnes perspectives : agir, créer de la valeur et mobiliser le collectif
Les idées et mots établis pèsent lourdement sur nous tous.
Changer de perspective. Générer une création non disruptive exige d’adopter des perspectives qui remettent en cause la pensée commerciale conventionnelle. Plutôt que d’être contraint par « ce qui est » (la structure), les créateurs non disruptifs mènent avec « ce qui pourrait/devrait être » (l’action), imaginant de nouvelles réalités indépendamment des limites actuelles.
La valeur d’abord, la technologie ensuite. Si la technologie est un puissant levier, elle n’est pas une fin en soi. Les créateurs non disruptifs privilégient l’innovation de valeur – offrir un saut convaincant en valeur pour les acheteurs – puis recherchent la technologie nécessaire (nouvelle ou existante) pour atteindre cette valeur. Confondre le moyen (technologie) avec la fin (valeur) peut conduire à l’échec du marché.
La créativité est universelle. Le mythe de l’entrepreneur génial isolé occulte le potentiel immense de créativité chez chacun. La création non disruptive tire parti de l’ingéniosité collective – employés, clients, partenaires, voire personnes apparemment sans lien – reconnaissant que la sagesse collective et la diversité des points de vue sont essentielles pour identifier et concrétiser des opportunités inédites.
7. Identifier l’opportunité : explorer les problèmes et opportunités non traités
Quand quelque chose nous tient profondément à cœur, c’est souvent que le sujet est d’importance centrale.
Recherche intentionnelle. Identifier une opportunité non disruptive commence par une intention claire de résoudre un problème totalement nouveau ou de créer une opportunité inédite hors des frontières industrielles existantes, motivée par la passion pour la question. Ces enjeux sont souvent pressants mais ont été négligés ou acceptés comme des faits immuables.
Deux grandes voies :
- Existant mais inexploité : Problèmes ou opportunités longtemps présents mais sans solution de marché (ex. : absence de crédit pour les pauvres, difficulté à corriger les erreurs de frappe).
- Émergent récemment : Enjeux issus de changements socioéconomiques, environnementaux, démographiques ou technologiques (ex. : besoin de cybersécurité, défis de l’urbanisation rapide).
Comment repérer les opportunités :
- Expérience directe : Reconnaître un problème ou une opportunité dans sa propre vie ou travail (ex. : McKelvey perdant une vente, Fry voyant son marque-page tomber).
- Observation empathique : Noter les difficultés rencontrées par d’autres et ressentir le besoin d’y répondre (ex. : Adebiyi-Abiola observant les déchets dans les bidonvilles de Lagos, Cooney voyant des enfants regarder la télévision).
- Veille active : Chercher délibérément des problèmes ou opportunités non traités (ex. : Not Impossible Labs recherchant des défis « impossibles »).
8. Déverrouiller l’opportunité : remettre en cause les hypothèses cachées
La question à résoudre est : quelle industrie devrait théoriquement traiter ce problème, et pourquoi ne l’a-t-elle pas fait ?
Débusquer les angles morts. Une fois l’opportunité non disruptive identifiée, l’étape suivante consiste à comprendre pourquoi l’industrie concernée l’a négligée. Cela implique de révéler les hypothèses implicites et explicites qui ont masqué l’opportunité, souvent liées au modèle économique conventionnel de l’industrie.
Analyse hypothèse-implication. Cet outil aide à analyser les hypothèses de l’industrie concernant :
- Évaluation risque-rendement : Comment l’industrie juge les risques et bénéfices potentiels (ex. : les banques exigeant des garanties locales ou un historique de crédit).
- Clients cibles : Qui l’industrie considère comme clients viables (ex. : les banques ciblant les citoyens/résidents, pas les étudiants étrangers).
- Champ d’activité : Ce que l’industrie considère comme relevant de son périmètre opérationnel (ex. : les banques limitant les prêts à un usage domestique).
Reformuler pour ouvrir des possibles. En tirant les implications commerciales de ces hypothèses, les raisons de l’oubli deviennent claires. L’étape cruciale est alors de remettre en cause et de reformuler ces hypothèses limitantes pour trouver une voie viable afin de déverrouiller l’opportunité, comme Prodigy Finance l’a fait en redéfinissant la solvabilité sur la base du potentiel de revenus futurs et de la faisabilité juridique mondiale.
9. Réaliser l’opportunité : mobiliser leviers et état d’esprit
Ensemble, ces trois piliers vous offrent une structure pour développer la compétence et la confiance nécessaires à la réussite dans la création non disruptive.
Leviers essentiels. Donner vie à une opportunité non disruptive nécessite de sécuriser des leviers clés et d’adopter un état d’esprit spécifique. Ces éléments conjugués permettent d’atteindre une grande valeur à faible coût.
Les trois leviers :
- Ingéniosité : Exploiter de manière créative connaissances, expertises, ressources et capacités externes sans forcément les posséder (ex. : Square utilisant la prise casque de l’iPhone, Grameen s’appuyant sur le capital social).
- Ressources et capacités internes : Utiliser efficacement les actifs organisationnels existants et construire ou acquérir de nouveaux (ex. : Tongwei combinant aquaculture et expertise solaire, Ping An développant un réseau de médecins de premier plan).
- État d’esprit « pouvoir » plutôt que « devoir » : Se concentrer sur les possibles et solutions créatives plutôt que d’être limité par des nécessités perçues ou des normes existantes, favorisant flexibilité et ajustement (ex. : McKelvey se demandant « Pourrions-nous » utiliser la prise casque ?).
Confiance et compétence. Le succès repose à la fois sur la confiance collective de l’équipe dans l’opportunité et sur sa compétence à l’exécuter. La carte Confiance-Compétence aide à évaluer la position d’une idée et guide les réajustements nécessaires pour la faire passer dans le quadrant « poursuivre », assurant engagement intellectuel et émotionnel ainsi que capacité d’action.
10. L’avenir est mûr pour la création non disruptive
Le monde est ce que nous en faisons.
Le pouvoir du numérique pour créer. L’accessibilité croissante des technologies numériques donne à plus de personnes que jamais les moyens d’identifier et de poursuivre des solutions innovantes. Ce pouvoir omniprésent peut être orienté vers la création de nouveaux marchés bénéfiques à la fois pour les entreprises et la société.
Domaines d’opportunité. De nombreux défis mondiaux pressants et tendances émergentes offrent un terrain fertile à la création non disruptive :
- Le vieillissement des populations et le besoin de soins aux aînés et de nouveaux chapitres de vie.
- Les exigences croissantes en matière de vie privée numérique et de souveraineté.
- Le besoin urgent d’énergie fiable, abordable et propre.
- Les défis sans précédent de l’urbanisation rapide dans les pays en développement.
- Les enjeux environnementaux tels que la gestion des déchets et la capture du carbone.
- La vaste frontière encore inexplorée de l’espace.
Un appel à l’action. La création non disruptive offre une voie puissante pour générer croissance et emplois sans les coûts sociaux du déplacement, constituant un contrepoids vital aux forces disruptives, notamment à l’ère de l’IA. En appliquant les cadres et perspectives exposés, individus et organisations peuvent identifier, déverrouiller et concrétiser ces opportunités, bâtissant ensemble un monde meilleur.
Dernière mise à jour:
Avis
Au-delà de la rupture remet en question l’idée selon laquelle l’innovation disruptive serait la seule voie vers la croissance. L’ouvrage propose une approche alternative, la « création non disruptive », qui permet de créer de nouveaux marchés sans évincer les industries ou les emplois existants. Les critiques saluent cette perspective novatrice ainsi que le cadre pratique offert, même si certains reprochent au livre une certaine répétitivité et un manque de profondeur. Les lecteurs apprécient particulièrement l’accent mis sur une innovation durable et son potentiel à bénéficier à la société. Toutefois, les avis divergent quant à son originalité et son applicabilité : certains le considèrent comme une ressource précieuse, tandis que d’autres y voient une simple réécriture de concepts déjà connus.
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