Points clés
1. Le capitalisme est un système révolutionnaire, non un état éternel de la nature humaine.
Ainsi, loin de représenter une « nature humaine » éternelle, le capitalisme surgit comme une rupture volcanique dans les routines ancestrales de la vie.
Une anomalie historique. Contrairement aux sociétés anciennes ou médiévales fondées sur la tradition et l’autorité, le capitalisme se distingue par son appui sur la propriété privée, des marchés étendus (du travail, de la terre, du capital) et la liberté économique. Les systèmes pré-capitalistes en étaient dépourvus, limitant souvent la propriété, réduisant les marchés aux surplus, et attachant les individus à leurs fonctions sociales.
Une émergence révolutionnaire. La transition vers le capitalisme, amorcée vers le XVIe siècle, fut un long processus souvent violent qui démantela l’ordre féodal ancien. Cette révolution fit des « facteurs de production » — travail, terre et capital — des marchandises à acheter et vendre, un concept étranger aux époques antérieures où ces éléments étaient liés à des devoirs sociaux ou à des rapports de pouvoir.
Libérer la technologie et le changement. Le système de marché fit tomber les barrières au changement technologique, créant des incitations à l’innovation pour réduire les coûts et accroître la productivité. Cela conduisit à la Révolution industrielle, marquée par :
- Une avancée technologique rapide
- Une production à grande échelle (usines, grandes entreprises)
- Une division du travail, augmentant la productivité mais fragmentant le travail
- Des changements sans précédent, souvent perturbateurs, dans la vie quotidienne et les métiers
2. Trois grands économistes offrent des visions fondamentales et contrastées de la dynamique capitaliste.
En un sens réel, en tant qu’économistes, nous restons encore ses élèves.
L’ordre et la croissance selon Adam Smith. Smith, dans La richesse des nations, expliqua comment des individus guidés par leur intérêt personnel dans un marché concurrentiel sont orientés par une « main invisible » pour produire efficacement ce que la société désire. Il montra aussi comment la recherche du profit stimule l’accumulation du capital et la division du travail, menant à une richesse nationale croissante.
L’instabilité et le conflit selon Karl Marx. Marx considérait le capitalisme comme un système intrinsèquement sujet à la crise et à la lutte des classes, animé par le conflit autour des salaires et des profits. Il prédit une concentration croissante des entreprises et l’effondrement éventuel du système à cause de ses tensions internes, voyant l’histoire comme une lutte entre classes dominantes et dominées.
L’intervention et la réparation selon John Maynard Keynes. Keynes, écrivant durant la Grande Dépression, contesta l’idée que le capitalisme s’autorégule automatiquement vers le plein emploi. Il soutint qu’un système de marché pouvait rester en « équilibre de sous-emploi » et proposa l’intervention gouvernementale, notamment par la dépense publique, comme essentielle pour gérer la demande et restaurer la vitalité économique.
3. Le Produit National Brut (PNB) offre une vue d’ensemble de la production totale de l’économie.
Le PNB a l’avantage d’être accessible à tous et, pour le meilleur ou pour le pire, la mesure adoptée par la plupart des nations dans le monde.
Mesurer le flux de production. Le PNB correspond à la valeur totale des ventes de tous les biens et services finaux produits par une économie en un an. D’un point de vue macroéconomique, il représente l’activité incessante de la production nationale, fruit de la coopération entre travail, capital et terre.
Les composantes du PNB. Le PNB se mesure généralement en additionnant les dépenses dans quatre grandes catégories :
- Les dépenses de consommation personnelle (achats des ménages)
- Les investissements privés domestiques (biens d’équipement, logements neufs)
- Les achats publics (biens et services publics, consommation et investissement)
- Les exportations nettes (exportations moins importations)
Une mesure imparfaite du bien-être. Si le PNB indique le niveau d’activité économique, d’emploi et de pouvoir d’achat potentiel, il reste une mesure imparfaite du bien-être social. Il ne prend pas en compte :
- L’inflation (nécessitant le calcul du PNB « réel »)
- Les changements de qualité ou l’apparition de nouveaux biens
- L’usage final ou le gaspillage de la production
- Les coûts ou bénéfices environnementaux
- La répartition des revenus ou des richesses
4. La croissance économique et ses fluctuations résultent de l’interaction complexe entre épargne et investissement.
Ainsi, le processus d’épargne et d’investissement touche directement au cœur de la macroéconomie.
L’épargne crée un écart. Les ménages épargnent généralement une partie de leur revenu (sans la consommer), ce qui crée un déficit de demande mais libère aussi des ressources (travail, matériaux) auparavant consacrées à la production de biens de consommation.
L’investissement comble cet écart. Le secteur des entreprises, motivé par l’attente de profits, emprunte ou utilise les bénéfices non distribués (épargne des entreprises) pour investir dans des biens d’équipement (usines, machines, stocks). Ces dépenses absorbent les ressources libérées par l’épargne des ménages et augmentent la capacité productive de l’économie.
La coordination est essentielle. La croissance économique exige la coordination entre épargne (libération des ressources) et investissement (utilisation de ces ressources pour construire du capital). Les fluctuations du PNB surviennent lorsque cette coordination fait défaut :
- Si l’investissement ne suit pas l’épargne, la demande baisse, entraînant une récession.
- Si l’investissement dépasse l’épargne disponible (notamment en situation de plein emploi), cela peut provoquer de l’inflation par concurrence entre secteurs pour les ressources.
Le rôle de l’État. Le secteur public peut aussi emprunter l’épargne et la dépenser (déficit budgétaire), compensant ainsi les insuffisances de l’investissement privé et aidant à gérer la demande globale. Contrairement à un ménage ou une entreprise, la capacité d’emprunt de l’État fédéral est liée au revenu de l’ensemble de l’économie, lui conférant des pouvoirs fiscaux uniques.
5. Les marchés rationnent efficacement les biens et services par l’interaction de l’offre et de la demande.
L’offre et la demande, en d’autres termes, nous renseignent sur la manière dont les marchés génèrent une forme d’ordre dans le système, maintenant l’économie unie, comme nous l’avons entrevu au chapitre deux en examinant la conception adamienne du monde économique.
Le mécanisme des prix. Sur un marché, les acheteurs demandent moins d’un bien lorsque son prix augmente, tandis que les vendeurs en offrent davantage. L’interaction de ces forces opposées détermine un prix d’équilibre où la quantité demandée égale la quantité offerte, assurant la liquidation du marché.
Le rationnement par le prix. Le prix d’équilibre agit comme un mécanisme de rationnement, allouant les biens à ceux qui sont prêts et capables de payer ce prix, tout en excluant les autres. De même, il permet aux vendeurs capables de produire à ce prix ou moins de faire des affaires.
Pénuries et surplus. Ceux-ci surviennent lorsque les prix sont empêchés d’atteindre l’équilibre :
- Une pénurie apparaît quand le prix est fixé en dessous de l’équilibre (ex. : contrôle des loyers), augmentant la demande mais réduisant l’offre, laissant des acheteurs insatisfaits.
- Un surplus survient quand le prix est fixé au-dessus de l’équilibre (ex. : soutiens agricoles), augmentant l’offre mais réduisant la demande, laissant des biens invendus.
Efficacité et dynamisme. Comparé aux systèmes fondés sur la tradition ou la commande, le marché est très dynamique, intégrant facilement le changement et s’auto-régulant avec peu de supervision externe. Son efficacité réside dans sa capacité à allouer les ressources selon les préférences individuelles et les coûts, sans planification centrale.
6. Les défaillances du marché rendent inévitable l’action collective et l’intervention gouvernementale.
L’essentiel est de reconnaître que l’existence et les causes des dysfonctionnements du marché rendent certaines interventions gouvernementales inévitables.
Les limites de l’information. Les marchés supposent des acteurs rationnels bien informés, mais dans la réalité, les agents économiques disposent souvent d’informations limitées ou imparfaites, conduisant à des décisions et résultats sous-optimaux. Réduire cette ignorance exige des efforts coûteux ou une intervention publique (réglementation, campagnes d’information).
Le problème des biens publics. Certains biens sont non-exclusifs (on ne peut empêcher personne de les utiliser) et non-rivaux (l’usage par une personne ne diminue pas celui d’une autre). Exemples : la défense nationale, les phares. Les marchés échouent à les fournir car les individus peuvent en profiter sans payer (« passagers clandestins »), nécessitant une décision collective (politique) pour leur production.
Les externalités. Ce sont des coûts ou bénéfices liés à la production ou à la consommation qui retombent sur des tiers non impliqués dans la transaction. La pollution est une externalité négative classique (coûts supportés par la société, pas par le pollueur). Les marchés ne prennent pas en compte ces coûts/bénéfices externes, conduisant à une surproduction des « maux » et une sous-production des « biens ».
Répondre aux défaillances. Les défaillances du marché requièrent des solutions hors marché, généralement une intervention gouvernementale :
- Réglementation (ex. : lois environnementales) pour internaliser les coûts externes.
- Fiscalité (ex. : taxes sur les rejets) pour créer des incitations marchandes à réduire les « maux ».
- Subventions pour encourager les activités à externalités positives.
7. Les grandes entreprises et la concurrence imparfaite introduisent des dynamiques de pouvoir qui remettent en cause les idéaux du marché.
Les économistes parlent peu du pouvoir car, dans la situation concurrentielle prise comme norme, le pouvoir disparaît.
Au-delà de la concurrence pure. Alors que la concurrence théorique suppose de nombreuses petites entreprises sans pouvoir individuel sur le marché, les économies modernes sont dominées par de grandes firmes opérant en oligopoles (quelques entreprises dominantes) ou quasi-monopoles. Ces firmes peuvent influencer les prix, la production et même la demande des consommateurs (par exemple via la publicité).
Coûts de la concurrence imparfaite. Par rapport à l’idéal de souveraineté du consommateur en concurrence pure, les oligopoles peuvent entraîner :
- Une manipulation des goûts des consommateurs (publicité intensive)
- Une différenciation de produit coûteuse et inutile
- Des prix supérieurs aux coûts minimaux possibles (profits « monopolistiques »)
- Une production inférieure à celle d’un marché concurrentiel
Avantages potentiels et complexités. Les grandes entreprises peuvent offrir des avantages comme une meilleure efficacité d’échelle, un taux d’innovation technique plus élevé, et de meilleures conditions de travail que les petits concurrents. Évaluer l’impact net est complexe, pesant les coûts pour les consommateurs contre les gains en productivité, innovation et bien-être des travailleurs.
Le problème du pouvoir. La question centrale est la concentration du pouvoir économique entre des mains privées, exercé sur le travail, les consommateurs et même les gouvernements. Ce pouvoir n’est pas aisément contrôlé par les forces du marché seules, soulevant des questions de responsabilité sociale et de reddition de comptes.
8. La répartition des revenus est façonnée par la productivité, mais aussi par la discrimination, l’héritage et les barrières du marché.
Les gens ne sont pas pauvres principalement parce qu’ils sont improductifs.
La productivité comme facteur. Si la productivité individuelle (contribution à la production) influence clairement les revenus (les travailleurs qualifiés gagnent plus que les non qualifiés), elle n’est ni le seul ni le principal déterminant, surtout aux extrêmes de la distribution des revenus.
Au-delà de la productivité. La pauvreté est souvent liée à des facteurs indépendants du potentiel productif, tels que :
- Le chômage (revenu nul, pas potentiel nul)
- L’âge (retraités, jeunes débutants)
- La discrimination (race, sexe, origine ethnique)
- Le manque d’accès à l’éducation et à la formation
Accumulation de richesse. Les fortunes ne s’accumulent pas seulement par l’épargne ; elles résultent souvent de :
- L’héritage (transfert de richesses existantes)
- La capitalisation des revenus (valorisation marchande des revenus futurs)
- La chance et la prise de risques
Barrières et discrimination. Les revenus peuvent être supérieurs ou inférieurs à ce que la productivité suggérerait en raison de barrières à l’entrée dans certaines professions (licences, coûts de formation) ou de discriminations systémiques fondées sur la race, le sexe ou l’origine sociale, empêchant les individus d’atteindre leur plein potentiel de gains.
9. L’inflation est un problème chronique du capitalisme moderne, enraciné dans des changements structurels et les anticipations.
L’inflation suscite une forte anxiété, ce qui est une excellente raison de la craindre.
Plus qu’une illusion monétaire. Si l’inflation peut créer une « illusion monétaire » (sentiment d’enrichissement dû à la hausse des revenus nominaux, masquant une croissance réelle plus lente), ses coûts réels sont importants, notamment :
- Le risque d’accélération et d’hyperinflation
- L’érosion de la valeur réelle des actifs financiers
- La distorsion des décisions d’investissement
- L’augmentation du risque d’instabilité financière
- Le chômage causé par les politiques anti-inflationnistes
Racines structurelles. Le capitalisme moderne est plus sujet à l’inflation qu’autrefois en raison de :
- Grands secteurs publics assurant des planchers économiques (limitant les dépressions profondes)
- Concentration du pouvoir privé (entreprises et syndicats résistant aux baisses de prix/salaires)
- Indexation accrue des salaires et prestations (transmettant les chocs de prix)
- Anticipations d’augmentations futures des prix influençant les comportements actuels d’achat/vente
Combattre l’inflation implique des compromis. Des politiques comme l’équilibre budgétaire, le resserrement monétaire ou l’induction de récession peuvent freiner l’inflation mais souvent au prix du chômage ou de douleurs sociales. Les contrôles volontaires ou obligatoires rencontrent des difficultés d’application et d’acceptabilité politique.
10. Les forces économiques mondiales, notamment les taux de change, influencent profondément le bien-être intérieur.
Les jours d’indifférence à l’économie internationale sont révolus à jamais.
Les taux de change comptent. Le prix de la monnaie nationale par rapport aux autres (le taux de change) affecte directement le coût des importations et la compétitivité des exportations. Une dépréciation du dollar rend les biens étrangers plus chers pour les Américains mais les biens américains moins chers pour les étrangers.
Équilibrer les flux. Les taux de change se déterminent par l’offre et la demande de monnaie sur deux marchés principaux :
- Les transactions courantes (commerce de biens/services, tourisme, flux de revenus)
- Les transactions de capitaux (investissements directs étrangers, investissements de portefeuille en actions/obligations)
Impact des déséquilibres. Des taux de change trop élevés (surévalués) peuvent provoquer du chômage en rendant les exportations coûteuses et les importations bon marché. Des taux trop bas (sous-évalués) peuvent engendrer de l’inflation en rendant les importations chères et les exportations bon marché, tout en attirant des flux de capitaux étrangers augmentant la masse monétaire intérieure.
Défendre la monnaie. Les gouvernements interviennent sur les marchés des changes (flottement dirigé) ou utilisent des politiques internes (ex. : hausse des taux d’intérêt pour attirer les capitaux) pour influencer la valeur de leur monnaie, mais ces actions impliquent des arbitrages entre intérêts domestiques concurrents (exportateurs vs importateurs, touristes vs hôteliers) et objectifs économiques (emploi vs inflation).
11. Les multinationales sont des acteurs globaux puissants créant de nouvelles tensions économiques et politiques.
En effet, les grandes entreprises américaines sont aujourd’hui des grandes entreprises mondiales.
Portée mondiale. Les multinationales (MNC) opèrent au-delà des frontières nationales, localisant production, approvisionnement et ventes à l’échelle mondiale. Leur investissement direct à l’étranger (possession d’usines/équipements) dépasse souvent les exportations traditionnelles pour de nombreuses grandes firmes.
Moteurs et évolutions. Les entreprises deviennent multinationales pour réduire les coûts (transport, main-d’œuvre), accéder aux marchés ou gagner un avantage stratégique. Cela a entraîné un déplacement des investissements étrangers :
- Des pays sous-développés vers les pays développés
- Des matières premières/transport vers la fabrication et la haute technologie
Défis pour le contrôle national. Les multinationales posent problème aux gouvernements nationaux car leurs décisions (où investir, où fermer des usines) peuvent affecter significativement l’économie d’un pays, menaçant la capacité de la politique économique nationale.
Tensions avec les pays hôtes. Les multinationales apportent technologie et emplois précieux mais peuvent aussi perturber les économies et cultures locales. Les pays hôtes cherchent à les attirer tout en les régulant, créant une relation complexe et souvent tendue où chaque partie détient un levier.
Impact sur le monde en développement. Les multinationales sont des vecteurs majeurs de technologie et d’organisation vers les pays en développement, mais leur approche axée sur le profit peut engendrer des perturbations sociales et une dépendance, soulevant des questions sur un développement équitable.
12. L’avenir des systèmes économiques repose sur une tension persistante entre forces du marché et planification collective.
Aussi souhaitable que soit cet objectif ultime, à notre époque, État et entreprise promettent de coexister, et la tension entre eux fera partie du
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Avis
Économie expliquée recueille des avis favorables grâce à ses explications claires des concepts économiques, son contexte historique et son point de vue équilibré. Les lecteurs apprécient son accessibilité pour les débutants tout en offrant une certaine profondeur. Certains reprochent toutefois une orientation trop centrée sur les États-Unis et des informations parfois dépassées dans les éditions plus anciennes. L’ouvrage aborde à la fois la microéconomie et la macroéconomie, les théories économiques ainsi que les implications des politiques publiques. Il est salué pour rendre des sujets complexes compréhensibles, même si certains jugent certaines parties un peu sèches ou simplifiées à l’excès. Dans l’ensemble, il est considéré comme une introduction précieuse à l’économie, particulièrement pour ceux qui n’ont pas de formation spécialisée.