Points clés
1. Les mineurs boliviens subissent une exploitation extrême et des conditions de vie difficiles
L’espérance de vie moyenne d’un travailleur minier est à peine de 35 ans.
La vie est courte et brutale. Les mineurs travaillent dans des conditions incroyablement dangereuses et insalubres, profondément sous terre, confrontés au manque d’air, aux gaz toxiques, à la poussière provoquant la silicose, et aux accidents fréquents liés à l’usage de la dynamite. Leur espérance de vie est tragiquement réduite par ces risques professionnels.
Le logement est rare et précaire. Les habitations fournies par l’entreprise sont petites, dépourvues d’équipements de base comme une salle de bain privée ou l’eau courante, et ne sont attribuées qu’après des années de service. En cas de maladie, de décès ou de renvoi, les veuves et familles sont expulsées, sans aucun recours malgré toute une vie de travail.
Les salaires sont dérisoires. Les mineurs perçoivent une misère, souvent moins d’un dollar par jour, contraignant leurs épouses et enfants à travailler pour survivre. Les retenues pour la sécurité sociale, les magasins d’entreprise et autres frais laissent les familles sans argent, parfois même endettées envers la compagnie.
2. La richesse nationale profite aux capitalistes étrangers et aux élites corrompues, pas au peuple
On dit que « la Bolivie est immensément riche, mais ses habitants ne sont que des mendiants. »
Les ressources s’en vont à l’étranger. La Bolivie regorge de minerais comme l’étain, l’argent et l’or, mais cette richesse est principalement exploitée par des multinationales et des élites nationales corrompues. Les profits sont investis à l’étranger, laissant la majorité des Boliviens dans la pauvreté.
L’exploitation est systémique. Les dirigeants expliquent que la grande majorité des bénéfices miniers revient aux capitalistes étrangers, une infime part restant en Bolivie. Cette part est ensuite détournée par le gouvernement pour l’armée, les salaires ministériels et les investissements étrangers, ne laissant que peu pour les salaires des travailleurs ou le développement national.
La nationalisation a déçu le peuple. Bien que les mines aient été nationalisées aux dépens des « barons de l’étain », les anciens propriétaires ont été indemnisés, et de nouvelles élites ont émergé, poursuivant les pratiques d’exploitation. Les machines sont restées obsolètes, et les bénéfices de la nationalisation n’ont pas profité aux travailleurs ni au progrès du pays.
3. L’organisation ouvrière et la solidarité sont des armes essentielles contre l’oppression
Je pense que le Syndicat, la Fédération, la Centrale Ouvrière Bolivienne sont nos représentations, notre voix, et c’est pourquoi nous devons en prendre soin comme de la prunelle de nos yeux.
Les syndicats sont la voix du peuple. La classe ouvrière possède une forte tradition de syndicalisme indépendant, refusant le contrôle gouvernemental. Syndicats, fédérations (comme la FSTMB) et la COB nationale unissent différents secteurs pour lutter ensemble et s’entraider face à la répression.
La solidarité protège dirigeants et membres. Les erreurs passées ont enseigné l’importance de soutenir les dirigeants, victimes d’exils, tortures et assassinats. La solidarité avec les leaders emprisonnés et leurs familles est devenue cruciale, montrant que le peuple ne laisserait pas tomber ceux qui se battent pour lui.
L’unité est la plus grande force. Malgré les tentatives gouvernementales de diviser les travailleurs par la répression, la cooptation (syndicats jaunes, coordinateurs de base) et la propagande, l’unité de la classe ouvrière, femmes et jeunes compris, demeure leur arme la plus puissante, permettant grèves et manifestations.
4. La libération des femmes est indissociable de la lutte des classes, pas séparée des hommes
Nous considérons que notre libération consiste d’abord à faire en sorte que notre pays soit libéré à jamais du joug de l’impérialisme, qu’un travailleur comme nous soit au pouvoir, et que les lois, l’éducation, tout soit contrôlé par lui.
La libération exige un changement systémique. Pour les femmes ouvrières, la vraie libération ne se limite pas à l’égalité des sexes dans le système actuel, mais passe par une transformation fondamentale de la société par le socialisme. Lutter aux côtés des hommes contre l’impérialisme et l’exploitation est l’objectif principal.
Machisme et féminisme sont des outils de division. L’auteure considère que le machisme comme certaines formes de féminisme (axées sur la liberté sexuelle individuelle ou la lutte contre les hommes) sont des instruments de l’impérialisme pour diviser la classe ouvrière. La lutte essentielle est collective, pour la libération de tout un peuple.
La participation des femmes est cruciale pour la révolution. Le rôle des femmes dépasse le foyer ; leur éducation politique et leur engagement sont indispensables pour forger des citoyens futurs dotés d’une conscience révolutionnaire. Le Comité des Femmes au Foyer a prouvé que les femmes pouvaient être des alliées fortes dans la lutte des classes.
5. La sagesse populaire et l’expérience sont le véritable fondement de la révolution
Tout ce que je sais et ce que je suis, je le dois au peuple.
La vie est la meilleure enseignante. L’éducation formelle échoue souvent à transmettre la réalité de l’exploitation et de la pauvreté. L’auteure a appris davantage sur la situation économique du pays et la nécessité du changement grâce à l’explication d’un simple leader et à sa propre expérience vécue qu’avec les économistes universitaires.
Le peuple possède une intelligence innée. Malgré l’absence d’éducation formelle, les gens ordinaires, mineurs et paysans compris, font preuve d’une grande intelligence, sagesse et clairvoyance pour analyser leur situation et trouver des moyens de résister à l’oppression et de s’organiser.
Les intellectuels doivent se rapprocher du peuple. Les personnes instruites qui veulent soutenir la cause populaire doivent apprendre à communiquer dans un langage compréhensible, partageant leur savoir de manière accessible et pertinente pour l’expérience vécue des travailleurs et paysans, plutôt que par des théories abstraites.
6. La répression gouvernementale, y compris les massacres, renforce la détermination du peuple
Et au lieu de servir à insulter et effrayer le peuple, cela a servi à le renforcer de plus en plus.
La violence alimente la résistance. Les massacres brutaux (1942, 1949, 1965, 1967, 1974) et la répression par l’armée et les agents gouvernementaux, bien qu’occasionnant souffrances et morts, n’ont jamais brisé l’esprit du peuple bolivien, en particulier des mineurs.
Les massacres révèlent la nature de l’ennemi. Des événements comme le massacre de San Juan ont montré la volonté du gouvernement de tuer ses propres citoyens, femmes et enfants compris, pour étouffer la dissidence et protéger son pouvoir ainsi que les intérêts du capital étranger.
La souffrance renforce l’engagement. Les expériences personnelles de violence, de perte et d’emprisonnement, comme celles de l’auteure, n’ont pas conduit à la soumission mais ont au contraire solidifié sa conscience politique et son engagement, démontrant que la répression peut se retourner contre les oppresseurs.
7. L’emprisonnement et la souffrance personnelle forgent la conscience politique
S’ils meurent, señora, vivez alors pour venger la mort de leurs enfants.
La prison est un creuset. Les épreuves terribles vécues en prison par l’auteure, incluant la torture, la perte de son enfant et la manipulation psychologique, furent des moments de souffrance intense mais aussi d’éveil politique profond. Elles ont fait tomber les illusions et forcé une compréhension plus profonde de l’ennemi et de son propre engagement.
La solidarité soutient l’espoir. Même en isolement, de petits gestes de solidarité de la part de codétenus ou de sympathisants ont apporté un soutien moral crucial, renforçant le sentiment que la lutte était collective et valait la peine de supporter la douleur personnelle.
La souffrance clarifie le but. Faire face à la mort et à la possible perte de ses enfants a obligé l’auteure à prioriser son rôle de leader et son engagement envers la cause populaire, au-delà de la seule sécurité personnelle ou des instincts maternels, transformant sa souffrance en une détermination révolutionnaire.
8. L’armée sert les oppresseurs, pas le peuple
Nous savons que l’armée que nous avons est composée de gens rusés, formés au Pentagone, avec des idées bourgeoises, des idées de domination.
L’armée est un instrument de répression. Malgré les discours patriotiques ou au service de la nation, l’armée bolivienne a toujours agi comme la force armée de la classe dirigeante et des intérêts étrangers, réprimant brutalement ouvriers et paysans pour maintenir le statu quo.
Les conscrits sont aussi des victimes. Les soldats ordinaires, souvent de pauvres conscrits ruraux, sont endoctrinés et contraints d’agir contre leur propre peuple. Certains résistent et sont tués, tandis que d’autres, comme les « manchegos », font preuve de compassion, révélant les contradictions internes de l’armée.
Faire confiance à l’armée est naïf. Les dirigeants qui croient pouvoir changer la nature fondamentale de l’armée ou compter sur des militaires pour un soutien populaire se trompent. La formation et la structure de l’armée visent à protéger le pouvoir en place, non à servir les intérêts du peuple.
9. Le Comité des Femmes au Foyer est né de la nécessité et est devenu une force vitale
L’organisation a grandi et est aujourd’hui très importante, non seulement pour les femmes elles-mêmes, mais pour toute la classe ouvrière.
La nécessité a suscité l’organisation. Face aux difficultés économiques, aux maris arrêtés et à l’absence de soutien, un groupe d’épouses de mineurs a créé en 1961 le Comité des Femmes au Foyer pour lutter pour la survie de leurs familles et la liberté de leurs maris.
Les femmes ont prouvé leur force. Malgré les moqueries initiales et l’opposition de certains hommes et d’autres groupes féminins, le Comité a fait preuve d’un courage et d’une efficacité remarquables à travers des grèves de la faim, des manifestations et la défense des biens syndicaux, gagnant respect et place aux côtés des syndicats.
Le Comité répond aux charges spécifiques des femmes. Conscientes que le travail domestique non rémunéré et l’absence de revenus indépendants rendent les femmes doublement exploitées, elles ont revendiqué de meilleures quotas dans les magasins, l’accès aux soins et à l’éducation pour les enfants, et même organisé des initiatives de travail comme les palliris.
10. Les vrais leaders émergent du peuple et restent responsables devant lui
Je pense qu’un leader doit avoir le plus grand respect pour le peuple.
Les leaders sont choisis, non auto-proclamés. La classe ouvrière a appris par l’expérience l’importance de sélectionner soigneusement ses dirigeants, sur la base de l’honnêteté et de l’engagement, pas seulement de la capacité à parler. Les leaders doivent rendre des comptes à la base.
La solidarité avec les leaders est primordiale. Soutenir les dirigeants persécutés, emprisonnés ou exilés est un devoir du peuple. Cette solidarité renforce la détermination du leader et consolide le lien entre lui et les masses.
La trahison est impardonnable. Les leaders qui vendent leur cause au gouvernement ou privilégient leur intérêt personnel perdent la confiance de la classe ouvrière. L’auteure a refusé des offres lucratives du gouvernement, consciente que compromettre ses principes trahirait la confiance du peuple et affaiblirait la lutte.
11. La solidarité internationale est cruciale, mais la libération doit venir de l’intérieur
Chaque ville a besoin de la solidarité des autres, car notre lutte est très grande.
La lutte mondiale exige un soutien mutuel. La lutte contre l’impérialisme et l’exploitation est internationale. La solidarité d’autres peuples, notamment ceux ayant réalisé le socialisme, apporte inspiration et soutien concret, rendant la lutte moins isolée.
Les expériences doivent être adaptées, non copiées. S’inspirer des révolutions étrangères est utile, mais chaque pays doit analyser sa propre réalité et tracer sa propre voie vers la libération, sans reproduire aveuglément des modèles étrangers.
Les exilés ont un rôle à jouer. Les révolutionnaires boliviens à l’étranger ne doivent pas oublier leur peuple, mais continuer à s’instruire, maintenir la solidarité et se préparer à revenir combattre aux côtés de ceux restés au pays, partageant savoir et expérience.
12. Les conforts bourgeois et les divisions affaiblissent la lutte de tous
Comme il est douloureux de voir nos camarades s’épuiser dans les mines pour enrichir l’étranger !
Le confort personnel est un piège. L’auteure a rejeté les opportunités de confort et de sécurité offertes par le gouvernement, les voyant comme des tentatives de la coopter et de la séparer de la souffrance de son peuple. Le vrai bonheur vient du bien-être collectif, non du privilège individuel.
Les divisions affaiblissent le mouvement. La fragmentation des partis politiques, même à gauche, et les conflits internes à la classe ouvrière (mauvais traitements des paysans, manque de solidarité entre femmes) nuisent à la cause révolutionnaire et sont exploités par l’ennemi.
Les fausses promesses détournent des vrais enjeux. Les tactiques gouvernementales, comme distribuer des téléviseurs ou offrir de petites primes, visent à distraire le peuple des problèmes fondamentaux d’exploitation et de manque de pouvoir, créant de faux besoins et mécontentements au lieu de s’attaquer aux causes profondes.
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Avis
« Laissez-moi parler ! » est un témoignage poignant de la vie de Domitila Barrios de Chungara, épouse d’un mineur bolivien et militante engagée. Les lecteurs saluent son honnêteté, sa conscience politique aiguë et son dévouement aux droits des travailleurs. Ce livre offre une plongée profonde dans l’histoire tumultueuse de la Bolivie, les luttes ouvrières, ainsi que les confrontations de l’auteure avec le féminisme occidental. Si certains ont trouvé le récit répétitif ou dérangeant, beaucoup le considèrent comme une lecture incontournable pour comprendre le socialisme latino-américain et les expériences des femmes dans les pays en développement. La préservation de la voix authentique de Domitila et des expressions locales est particulièrement appréciée, même si les choix de traduction suscitent parfois le débat.