Points clés
1. La liberté de la critique : un cheval de Troie pour l’opportunisme
« … la “liberté de la critique” signifie la liberté pour une tendance opportuniste au sein de la social-démocratie, la liberté de transformer la social-démocratie en un parti démocratique de réformes, la liberté d’introduire des idées bourgeoises et des éléments bourgeois dans le socialisme. »
Un slogan trompeur. L’appel à la « liberté de la critique », qui semble anodin, masque souvent un opportunisme insidieux. Il permet l’introduction d’idées bourgeoises dans la pensée socialiste, diluant ainsi le noyau révolutionnaire du mouvement. Cette « liberté » ne vise pas un progrès intellectuel authentique, mais à saper les principes fondamentaux du marxisme.
Contexte historique. Cette tendance n’est pas nouvelle ; elle reflète le révisionnisme de Bernstein et Millerand, qui cherchaient à transformer la social-démocratie d’une force révolutionnaire en un parti réformiste. Ce révisionnisme n’est pas une évolution naturelle de la pensée, mais une tentative délibérée de démanteler les fondements du marxisme. L’appel à la « liberté de la critique » est un appel à abandonner la voie révolutionnaire.
L’agenda réel. Le véritable objectif de cette « liberté » est d’affaiblir le mouvement socialiste en y introduisant des éléments bourgeois et en le convertissant en un simple parti réformiste. C’est un appel à renoncer à la lutte des classes et à embrasser la collaboration avec la bourgeoisie, trahissant ainsi les intérêts du prolétariat.
2. Spontanéité vs conscience : le combat central
« Sans théorie révolutionnaire, il ne peut y avoir de mouvement révolutionnaire. »
Les limites de la spontanéité. L’élan spontané de la classe ouvrière, bien que puissant, est insuffisant pour réaliser un changement révolutionnaire. Il ne peut conduire qu’à une conscience syndicale, centrée sur des gains économiques immédiats, et non sur la transformation fondamentale de la société. C’est un point crucial que beaucoup ne saisissent pas.
La conscience venue d’ailleurs. La conscience socialiste, la compréhension de la nécessité d’un renversement complet du système capitaliste, doit être apportée aux ouvriers de l’extérieur, principalement par des intellectuels ayant développé une connaissance approfondie de la théorie marxiste. Ce n’est pas une vision élitiste, mais une reconnaissance du développement historique de la pensée socialiste.
Le danger de la spontanéité. Vénérer la spontanéité conduit à subordonner la classe ouvrière à l’idéologie bourgeoise. Le mouvement spontané, laissé à lui-même, sera inévitablement absorbé par le syndicalisme, qui n’est rien d’autre que l’asservissement idéologique des travailleurs par la bourgeoisie.
3. Syndicalisme vs social-démocratie : une distinction cruciale
« La lutte économique des travailleurs est très souvent liée (bien que non inséparablement) à la politique bourgeoise, à la politique cléricale, etc., comme nous l’avons vu. »
Deux types de politique. La politique syndicale vise à améliorer les conditions de vente de la force de travail dans le cadre du système capitaliste existant. La politique social-démocrate, en revanche, cherche à abolir ce système. C’est une différence fondamentale qu’il ne faut pas ignorer.
L’erreur de l’économisme. L’économisme, qui réduit la politique social-démocrate au syndicalisme, est une grave erreur. Il limite le champ d’action du mouvement ouvrier et l’empêche d’atteindre son but ultime : la révolution socialiste. C’est un piège dans lequel beaucoup tombent.
Au-delà des revendications économiques. Les social-démocrates ne doivent pas se cantonner aux revendications économiques, mais doivent aussi s’attaquer à toutes les formes d’oppression, qu’elles soient politiques, sociales ou culturelles. Cela exige une vision politique large et un engagement pour la libération de tous les opprimés.
4. L’agitation politique : au-delà des griefs économiques
« L’agitation doit être menée à propos de chaque exemple concret de cette oppression (comme nous avons commencé à mener l’agitation autour d’exemples concrets d’oppression économique). »
Une dénonciation globale. L’éducation politique ne peut se limiter à la propagande contre l’autocratie par la classe ouvrière. Elle doit exposer toutes les formes d’oppression, de la brutalité policière à la persécution des minorités religieuses. C’est un aspect crucial du travail révolutionnaire.
Au-delà de l’usine. L’agitation politique doit dépasser les murs de l’usine pour englober tous les aspects de la vie sociale et politique. Cela inclut des questions telles que la corruption des fonctionnaires, la suppression de l’éducation et la persécution des sectes religieuses.
Le pouvoir de la dénonciation. En exposant l’autocratie dans toutes ses manifestations, les social-démocrates peuvent éveiller la conscience politique de la classe ouvrière et la mobiliser pour la lutte révolutionnaire. C’est un outil puissant qui doit être utilisé avec efficacité.
5. Le rôle d’avant-garde : guider toutes les classes opprimées
« Le rôle de combattant d’avant-garde ne peut être rempli que par un parti guidé par la théorie la plus avancée. »
Au-delà du prolétariat. Les social-démocrates doivent non seulement représenter la classe ouvrière, mais aussi agir comme l’avant-garde de toutes les classes opprimées. Cela exige une compréhension large du paysage social et politique et la capacité d’unir tous ceux qui sont mécontents de l’ordre établi.
Orienter les couches d’opposition. Les social-démocrates doivent guider les activités des différentes couches d’opposition, y compris les étudiants, les libéraux et les paysans, en orientant leur mécontentement vers le renversement de l’autocratie. C’est un aspect crucial du rôle d’avant-garde.
Le besoin de leadership. La classe ouvrière ne peut atteindre ses objectifs sans la direction d’un parti guidé par la théorie la plus avancée. Ce parti doit être capable d’unir toutes les forces révolutionnaires et de les mener dans la lutte contre l’oppression.
6. Primitivisme et économisme : un duo dangereux
« Les économistes et les terroristes ne font que s’incliner devant des pôles différents de la spontanéité ; les économistes s’inclinent devant la spontanéité du “mouvement ouvrier pur et simple”, tandis que les terroristes s’inclinent devant la spontanéité de l’indignation passionnée des intellectuels… »
Deux faces d’une même pièce. Le primitivisme, le manque de formation et de compétence organisationnelle, est étroitement lié à l’économisme. Tous deux sont des manifestations de la soumission à la spontanéité, l’un s’inclinant devant la lutte économique spontanée, l’autre devant l’indignation spontanée des intellectuels.
Les racines du problème. Le problème ne réside pas seulement dans le manque de formation, mais dans une conception étroite du travail révolutionnaire et une incapacité à comprendre la nécessité d’une organisation forte de révolutionnaires. C’est une faille fondamentale dans la pensée de beaucoup.
Le besoin de professionnalisme. La solution réside dans le développement de révolutionnaires professionnels, des individus dévoués à la cause et formés à l’art de combattre la police politique. C’est une étape cruciale pour dépasser les limites de l’amateurisme.
7. L’organisation révolutionnaire : la clé du succès
« … aucun mouvement révolutionnaire ne peut durer sans une organisation stable de dirigeants assurant la continuité… »
Au-delà des organisations ouvrières. L’organisation des révolutionnaires doit être distincte des organisations ouvrières. Alors que ces dernières doivent être larges et publiques, l’organisation des révolutionnaires doit être petite, compacte et hautement secrète. C’est une distinction essentielle.
Des révolutionnaires professionnels. L’organisation des révolutionnaires doit être composée de personnes faisant de l’activité révolutionnaire leur profession. Cela exige un haut niveau de formation, de discipline et de dévouement. Ce n’est pas une vision élitiste, mais une reconnaissance des exigences de la lutte révolutionnaire.
Centralisation et secret. L’organisation doit être centralisée et fonctionner dans le plus grand secret pour se protéger de la police. Ce n’est pas un rejet de la démocratie, mais une reconnaissance des réalités du travail sous un régime autocratique.
8. Le journal panrusse : un organisateur collectif
« Un journal n’est pas seulement un propagandiste collectif et un agitateur collectif, c’est aussi un organisateur collectif. »
Bien plus qu’une source d’information. Un journal politique panrusse n’est pas seulement un vecteur d’information ; c’est un outil puissant pour organiser et unir les forces révolutionnaires. Il sert de guide, de moyen de communication et de plateforme pour l’action collective.
Surmonter la fragmentation. Le journal aide à dépasser la fragmentation du mouvement en fournissant un point focal commun pour l’activité et un moyen d’échanger expériences et ressources. C’est essentiel pour construire une force révolutionnaire unifiée et efficace.
Former les leaders. Le journal sert aussi de terrain de formation pour les leaders révolutionnaires, leur offrant l’opportunité de développer leurs compétences et d’élargir leur horizon. C’est un aspect crucial pour bâtir un leadership fort et capable.
9. Travail local vs national : un changement nécessaire
« Jusqu’à présent, la majorité de nos organisations locales ont pensé presque exclusivement en termes de journaux locaux, et ont consacré presque toute leur activité à ce travail. C’est anormal ; il aurait fallu faire exactement le contraire. »
Au-delà du localisme. Le mouvement a souffert d’un excès de concentration sur le travail local. Il est nécessaire de déplacer le centre de gravité vers le travail national, ce qui renforcera en fin de compte l’activité locale. C’est une étape cruciale pour dépasser les limites de l’amateurisme.
Les limites des journaux locaux. Les journaux locaux, bien qu’utiles, sont souvent instables, dépourvus de portée politique et techniquement insuffisants. Un journal unique panrusse peut offrir plus de stabilité, de continuité et de profondeur politique.
Une perspective nationale. En se concentrant sur les enjeux nationaux, le mouvement peut développer une perspective plus large et une approche unifiée de la lutte contre l’autocratie. C’est essentiel pour parvenir au changement révolutionnaire.
10. La voie à suivre : mettre fin à la troisième période
« Mettre fin à la troisième période. »
Trois périodes de la social-démocratie. La social-démocratie russe a traversé trois périodes distinctes : l’essor de la théorie, l’émergence d’un mouvement de masse, puis une période de division et d’hésitation. Cette troisième période doit prendre fin.
Le besoin de consolidation. La quatrième période doit être celle de la consolidation, du marxisme militant, et de l’émergence d’une véritable avant-garde de la classe la plus révolutionnaire. C’est la voie vers la victoire.
Rejeter l’opportunisme. La voie à suivre exige un rejet catégorique de l’opportunisme, de l’économisme et de toutes les formes de soumission à la spontanéité. Elle requiert un engagement envers la théorie révolutionnaire, une organisation forte et une vision politique large.
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FAQ
What’s What Is to Be Done? by Vladimir Lenin about?
- Core focus: The book analyzes the Russian Social-Democratic movement’s challenges at the turn of the 20th century, emphasizing the need for a disciplined, centralized revolutionary party.
- Historical context: Written in 1901-1902, it critiques prevailing trends like Economism and opportunism, arguing for a theoretically grounded, militant organization.
- Purpose: Lenin aims to clarify the role of Social-Democrats, combat narrow trade-unionist politics, and lay out a plan for building an all-Russia revolutionary organization.
- Political and organizational analysis: The work distinguishes between economic and political struggles, advocating for a professional revolutionary leadership.
Why should I read What Is to Be Done? by Vladimir Lenin?
- Foundational revolutionary strategy: The book provides essential insights into the organization and tactics required for a successful revolutionary movement under autocratic conditions.
- Critique of opportunism: It exposes the dangers of reducing socialism to trade-unionism or reformism, which is crucial for understanding socialist movements’ dynamics.
- Historical significance: Lenin’s arguments shaped the Russian Social-Democratic Labour Party and influenced revolutionary movements worldwide.
- Clarifying political struggle: The text helps readers understand the ideological and organizational foundations of Marxist revolutionary praxis.
What are the key takeaways from What Is to Be Done? by Vladimir Lenin?
- Leadership is essential: A strong, professional, and centralized leadership is necessary to transform the spontaneous awakening of the masses into a conscious political struggle.
- Political over economic struggle: The political struggle to overthrow autocracy must take precedence over narrow economic demands, though both are important.
- Preparation and unity: Systematic preparation, unity, and readiness are achieved through centralized organization and an all-Russia newspaper, balancing secrecy with mass participation.
- Organizational principles: Strict secrecy, professionalism, and centralization are vital for revolutionary success under repressive conditions.
What does Lenin mean by "Economism" in What Is to Be Done? and why does he criticize it?
- Definition of Economism: Economism is a trend that prioritizes economic struggle and trade-unionism over political revolution, reducing Social-Democratic politics to immediate economic demands.
- Lenin’s critique: He condemns Economism for bowing to spontaneity, neglecting conscious political leadership, and subordinating revolutionary goals to narrow trade-unionist aims.
- Consequences: Economism, according to Lenin, prepares the ground for opportunism and bourgeois influence, weakening the revolutionary movement’s capacity to challenge autocracy.
- Confusion of struggles: Economists conflate economic and political struggles, ignoring the necessity of political agitation and leadership.
How does Lenin define the relationship between spontaneity and consciousness in the working-class movement in What Is to Be Done??
- Spontaneity as embryonic consciousness: Lenin acknowledges that spontaneous mass movements produce only trade-union consciousness, not revolutionary socialist consciousness.
- Consciousness from outside: Revolutionary consciousness must be introduced into the working-class movement by the revolutionary intelligentsia, not left to develop spontaneously.
- Struggle against spontaneity: The more spontaneous the movement, the greater the need for conscious, organized leadership to elevate the struggle beyond trade-unionism.
- Role of leadership: Only a disciplined party can guide the masses from economic to political struggle.
What is the difference between trade-unionist politics and Social-Democratic politics according to What Is to Be Done? by Lenin?
- Trade-unionist politics: Focuses on economic struggles for better wages and working conditions within capitalism, often limiting itself to immediate, practical demands.
- Social-Democratic politics: Encompasses a broader revolutionary struggle against the entire capitalist and autocratic system, aiming for political emancipation and socialism.
- Lenin’s critique: He argues that Economists confuse these two, restricting political agitation to economic issues and thus weakening the revolutionary potential of the working class.
- Necessity of political struggle: Social-Democratic politics must lead the working class beyond economic demands to challenge the political system itself.
What does Lenin mean by "freedom of criticism" in What Is to Be Done? and how does he address it?
- False slogan: Lenin argues that "freedom of criticism" is often used as a cover for opportunism, allowing revisionist trends to undermine Marxism by promoting bourgeois ideas within socialism.
- Opposition to opportunism: He critiques the "new critical" trend, which seeks to turn Social-Democracy into a party of social reforms rather than revolution.
- Party unity and struggle: Lenin insists that freedom of criticism should not mean tolerating opportunist deviations but rather strengthening the party by purging such tendencies.
- Maintaining revolutionary clarity: The party must remain ideologically unified to effectively lead the revolutionary movement.
What is Lenin’s concept of the "organization of revolutionaries" versus the "organization of workers" in What Is to Be Done??
- Distinct purposes: The organization of workers refers to broad, public trade unions focused on economic struggles, while the organization of revolutionaries is a secret, compact group dedicated to political struggle.
- Membership and secrecy: Revolutionary organizations must include both workers and intellectuals, erasing distinctions of trade or profession, and maintain strict secrecy to survive under autocracy.
- Functional relationship: Trade unions mobilize the masses, but the revolutionary organization provides leadership, political education, and strategic direction.
- Professional revolutionaries: Lenin advocates for a party of trained, disciplined, full-time revolutionaries to lead the movement.
How does Lenin propose to reconcile the need for secrecy with mass participation in the revolutionary movement in What Is to Be Done??
- Centralization of secret functions: A small core of professional revolutionaries should centralize all secret activities, such as planning and producing illegal literature, to protect the movement from police infiltration.
- Broad public involvement: The wider masses can participate openly in less secretive activities like reading and distributing literature, attending demonstrations, and joining trade unions.
- Training and promotion: The organization should promote capable workers to become professional revolutionaries, ensuring continuity and stability while expanding mass involvement.
- Balancing secrecy and outreach: This approach allows for both effective clandestine work and broad mobilization.
Why does Lenin stress the importance of an all-Russia political newspaper in What Is to Be Done??
- Collective organizer: Lenin sees the newspaper as a "collective organizer," connecting and coordinating revolutionary activities across Russia.
- Political education: The newspaper disseminates Social-Democratic theory and political knowledge, raising the consciousness of the masses.
- Overcoming fragmentation: It counters the amateurism and isolation of local groups by providing a common line and fostering unity.
- Preparation for struggle: The newspaper helps prepare for both everyday agitation and eventual nationwide revolutionary action.
How does Lenin connect Economism and terrorism in What Is to Be Done??
- Different poles of spontaneity: Lenin sees Economism and terrorism as two forms of subservience to spontaneity—Economism to the spontaneous labor movement, terrorism to the spontaneous indignation of isolated intellectuals.
- Common danger: Both evade the need for organized, conscious revolutionary activity and thus undermine the development of a coherent socialist movement.
- Need for agitation: Only through comprehensive political agitation and organization can the revolutionary movement avoid these pitfalls and build a genuine proletarian vanguard.
- Unified strategy required: Lenin insists on a unified, organized approach to revolutionary work, rejecting both economic reductionism and isolated acts of violence.
What are the main organizational principles and methods advocated by Lenin in What Is to Be Done??
- Strict secrecy and selection: Lenin insists on the strictest secrecy and careful selection of members to protect the organization from police repression and ensure reliability.
- Professionalism: Members must be professional revolutionaries, trained and dedicated full-time to revolutionary work, capable of combating political police and leading the movement.
- Centralization with mass support: Secret functions are centralized, but the organization must maintain close ties with broad, public workers’ organizations and the masses.
- Combating amateurism: Lenin criticizes primitive, uncoordinated methods and calls for systematic, strategic planning and leadership.
Avis
Que faire ? suscite des avis partagés, nombreux sont ceux qui saluent son importance historique et ses idées révolutionnaires. Les lecteurs apprécient la critique que fait Lénine du réformisme ainsi que son appel à une action organisée, fondée sur une théorie rigoureuse. Certains le trouvent dense et difficile à appréhender sans contexte, tandis que d’autres valorisent ses éclairages sur l’organisation politique. Des critiques reprochent à cet ouvrage d’avoir posé les bases de l’autoritarisme. Beaucoup soulignent néanmoins sa pertinence toujours actuelle dans les débats et stratégies organisationnelles de la gauche contemporaine, malgré son ancrage spécifique dans la Russie du début du XXe siècle.